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L’ŒUF DUR
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ger. » Marcel fit signe que oui. — « J’aime bien les animaux,
déclara Anna, et vous ?» — « Certainement, répondit Marcel. »
Ils s’arrêtèrent. — Flip se coucha devant eux et mangea de
l’herbe. Anna haussa les épaules et tendit en riant sa main
à Marcel.
Marcel, encouragé, reprit la conversation : « — Comme les
choses sont sereines dans la lumière du printemps. » —
« La sérénité du printemps ? » murmura Anna. — « Quand
voudrez-vous, poursuivit doucement Marcel, fixer la date de
notre mariage ? » Anna lui prit le bras, et répondit avec
ardeur : « Vous vous dites que vous m’aimez et cela vous
suffit ; vous vous représentez notre noce et vous êtes heureux.
Pour moi, Marcel, je ne peux pas. Tout ce qui arrivera est trop
simple pour que j’en rêve. Je suis sûre de vous aimer aussi,
malgré mes finesses et mes gaucheries, mais l’idée de tout cela
me fatigue ; pourtant je ne puis m’en délivrer l’esprit. Depuis
longtemps, Marcel, je ne dis rien de ce qu’il faut dire, je ne
pense rien de ce qu’il faut penser. Je crois qu’il y a quelque
chose de bon à penser ; mais j’ignore quoi et je suis malheu
reuse aussi. Il y a quelque chose de bon à dire et ce n’est cer
tainement pas ce que je dis. » — « Vous cherchez trop, Anna,
murmura Marcel, laissez-vous aller comme tout le monde à vos
plaisirs. Comme tout le monde. » — « Mais, répondit Anna,
c’est justement ce que je ne veux pas, » — « Vous avez tort,
dit Marcel, » — « Je le sais bien, cria Anna, seulement vous ne
m’apprenez pas ce qui me manque pour que j’aie raison ...»
— Marcel répliqua sans se troubler : « Si, soyez naïve. » —
Elle n’osa pas le contredire, quoique le conseil ne fut pas
neuf.
Flip fourrait son museau dans la terre et grognait en flairant
une musaraigne.