8 raffinement d’éducation et de goût, de considérer, de voir la vie, la nature, l’air et la lumière, sous l’angle visuel qui reste l’apanage des artistes et que des génies inconnus ouvrent magiquement devant eux. On nous dit que Francis Picabia fut un mauvais collé gien, rebuté par les mathématiques, sans cesse attiré par cette vision de l’art qui tient les regards adolescents fixés vers l’idéal, idéal fabriqué pour lui d’azur dans les nuages, d’aubes et de crépuscules sur la campagne florissante, de reflets, de formes, de sensations traduites si magiquement par la couleur ou le crayon. Si la grandeur de Séville impressionna l’enfant par la formidable influence de ses souvenirs d’art et d’architecture, l’imposante Cathédrale, l’Alcazar, les toiles célèbres de Murillo, celles de Goya ; plus encore, s’il fut saisi par l’extraordinaire féerie de son ciel violent, bleu sur la ville blanche couronnée de grenadiers en fleurs, Picabia eut dès son adolescence une autre école à Paris, celle du Louvre où toutes les grandes époques ont rassemblé en faisceaux les chefs d’œuvre de l’art français, italien, flamand, espa gnol. Que de rêves se sont fixés, que de vocations se sont déterminées dans la contemplation muette et profonde d’une tête d’Holbein ou de Boticelli par des cerveaux de quinze ans ! Les maîtres de l’Ecole et des Académies, Albert Wallet, Cormon, Carrière, me font évidemment l’effet d’avoir couvé un canard sauvage en inculquant à l’élève les principes de l’art classique. Picabia les lâcha lestement car tout le secret de son art fut celui de dérober un peu de feu du ciel pour donner la vie, pour animer sur la toile un