est différente de celle dont nous parlons depuis ses premiers
salons. Picabia échappa de bonne heure aux lisières d’un
classicisme qui ne répondait pas à sa nature. L’évolution
rapide de la pensée l’emportait vers une recherche de vérité
fortement poussée par l’impressionnisme et dont la curiosité
sincère courut très en avant du cubisme. Parallèlement à
Picasso qui découvrait les arcanes du cubisme, Picabia
franchit les barrières mais il suivit un autre courant. L’art de
Picasso, dans ses recherches géométriques, était purement
objectif et tendait à la suppression de l’imagination, tandis
que les tentatives de Picabia nous lançaient vers une subjec
tivité comparable aux formes musicales, sans qu’il y ait pour
cela de la part de l’artiste aucune volonté de rapprochement.
Je n’apprendrai rien à ceux qui connaissent l’œuvre
picturale de Picabia en leur rappelant que le succès de ses
expositions fut complet, énorme, et que toutes les toiles de
ce peintre, même les plus petites, atteignirent une valeur
marchande considérable. J’enregistre avec plaisir ce résultat
très légitime, afin de répondre dans quelques pages à des
assertions inexactes jetées par des ignorants pour combattre
Picabia.
Voici donc, à trente-cinq ans, l’homme arrivé à un magni
fique sommet de son talent; il atteint une célébrité enviée;
il possède la richesse par ses productions. Rien ne le
pousse pourtant, à organiser une réclame vigoureuse pour
augmenter cette fortune dont la chimère abaisse jusqu’à lui
les ailes dorées. Picabia profite de la renommée, fruit de
son travail fécond, de la publicité faite par les marchands,
certes ! mais il n’a aucun besoin de la forcer par des moyens
à côté. Oserais-je dire, cela me paraît une indiscrétion, que