182 ÇA IRA ! six heures le réveil est encore amer.... Et, lorsqu'il finit de vivre à Civita- Vecchia, ce qu’il éprouvait à quitter l'Italie, il se rappelle assez vivement pour écrire : “J’expirais à chaque pas que je fesais pour m’éloigner. Je ne respirais qu’en soupirant." et “Peut-être qu’un jour, quand je serai bien vieux, bien glacé, aurais je le courage de parler des années 1818-1819-1820-1821.“ Ces cris de passion, emprissonnée dans la forme concise et nette qu’il affectionne, et parmi les railleries sur la société et sur lui-même, font comprendre qu’il disait à son propos : “L’Amour a fait le bonheur et le malheur de sa vie". Peut-être aussi, du moins en sa jeu nesse, se fit-il une grande affaire de l’ambition. Le désir d’occuper une charge importante de l’Etat, et celui de rencontrer une femme qui fut pour lui l'amour, étaient ses deux buts. Cela, pour lui, était l'action, la vie. Car, avant tout, et ceci explique ce qu’a de dédaigneux pour la pensée pure, son caractère, Stendhal est homme d’action. Et son enthousiasme tire de là son caractère de positivisme. — Il aime agir à la folie, — Son tempérament violent, excessif, l’engage à se dépenser en voyages, démarches, aventures, en un mouvement perpétuel. Et son don parfait de psychologue l’invite à noter scrupuleusement tous les faits, toutes les anecdotes, tous les détails signifi catifs* C'est un étrange amalgame, une fusion rare : cet homme d’action qui philosophe sur tout. Ce psychologue savant qui fait avec délices la cour aux femmes, et qui participe aux plus glorieuses campagnes de Bonaparte. —' Cas tout exceptionnel, car il est ordi naire que l’homme de science fasse de la psychologie du fond de sa chambre de travail, et l’envisage, pour ainsi parler, de l’extérieur. — Stendhal, homme à la fois de science et d’action, regarde au contraire, du centre de la société, se place tout à l’intérieur. Il décrit les passions dans le même temps qu’il les éprouve, et s’accorde aussi, grâce à son cosmopolitisme de précur seur, de savourer les sentiments dans les plus divers. Pendant la retraite de Russie, il mettait à profit les angoisses de la Grande Armée, pour étudier sur les physionomies des soldats, les expres sions que cite Cabanis. Ce qui, d’ailleurs, ne l’empêchait pas de comprendre clai rement et de maîtriser la situation. C-’est grâce à lui, à ses soins et à son habilité, que l’armée française eut les seuls vivres qui furent distribués entre Smolensk et Wilna. Et vous appréciez le sang-froid réduisant dont il fesait preuve, au bord du tombeau que fût la Bérésina, en n’omettant pas de se raser, parmî les troupes en déroute, et entre deux assauts de cosaques. A son enthousiasme consentré correspond ainsi la bravoure froide. C’est dire que Stendhal, ayant vécu tant d'actions et de passions, se trouvait avoir pris pied solidement dans le réel ; ce réel d’où germe finalement toute beauté et d’où, seulement, elle peut naître. — Que lui importe la métaphy sique et les métaphysiciens, “ces hommes supérieures qui n’ont fait que de savants châteaux de cartes". Rien n’intéresse