ÇA IRA ! 187 Les conséquences de la paix <*> La guerre a été pour bon nombre d'auteurs une inépuisable source d’in spiration : nous avons été littéralement submergés pendant quelque temps par ce qu’on est convenu d’appeler “litté rature de guerre". Nous ne voulons pas même parler des ouvrages de spécialistes ; de ces multi ples ouvrages de généraux et stratèges qui approuvent ou critiquent amèrement les opérations des Etats-majors : ce sont là des livres que nul ne lit. Les poèmes, contes, nouvelles, romans exaltant la vertu patriotique et guerrière sont légion, Fade sauce senti mentale faisant monter les larmes aux yeux des bénévoles lecteurs. Un jour une formidable bombe éclata : “Le feu“ de Henri Barbusse. Finie, la guerre fraîche et joyeuse : une peinture sobre, mais vraie, de la crasse dans laquelle vivent nos soldats ; de la pénible et triste vie qu’ils mènent ; de l’abaissement du niveau intellectuel et moral chez ceux qui vivent dans les tranchées Un scandale, mais un succès unique. Après le succès du livre de Barbusse, comme des champignons se levèrent des pléiades d’écrivains, qui eux aussi voulurent bien constater que depuis la guerre, rien ne marche plus, que nous vivons dans les ténèbres, et que tout est pour le pis dans le pire des mondes. Et l’on remarque déjà que le succès de ces livres va chaque jour déclinant : (*) Cfr. Jhon M. Keynes : Les conséquences de la paix. nous sommes saturés d’horreur. Après “Le Feu" et “Menschen im Krieg“, qui certes ont une haute valeur, les histoires de guerre nous émeuvent à peine. La “terreur et la piété" ont fui : on con nais pour l’avoir entendue trop de fois, l’histoire du pied du mort où l’on suspend son casque, ou de la main crispée dans laquelle on crache en passant, avec indifférence. Illusion !.... Illusion douce, mais trompeuse.... Se dresse la silhouette de Jhon Maynard Keynes homme foncièrement honnête, quoique diplomate, et savant économiste. Devant les yeux des hom mes épouvantés le professeur de Cambridge agite les feuillets de son livre implacable, son livre plein de chiffres inexorables. Personne ne pourra dire que Keynes est un pêcheur en eau trouble, un révolutionnaire dangereux, à la solde du gouvernement soviétique : lui-même déclare sans embages son antiphatie pour le régime communiste et pour le bolchévisme dont il ne semble pas comprendre la portée. Le gouvernement de Sa Majesté très britannique l’envoya même comme délégué auprès du Con seil Economique Suprême. Rien de plus orthodoxe donc.... Or que voyons-nous ? Le 7 Juin 1919, alors qu’il ne garde plus d’espoir de voir se modifier les clauses du traité, Keynes démissionne, ne voulant être complice responsable du suicide de la vieille Europe. En décembre de la même année, il jette à la face du monde son