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ÇA IRA !
six heures le réveil est encore amer....
Et, lorsqu'il finit de vivre à Civita-
Vecchia, ce qu’il éprouvait à quitter
l'Italie, il se rappelle assez vivement
pour écrire : “J’expirais à chaque pas
que je fesais pour m’éloigner. Je ne
respirais qu’en soupirant." et “Peut-être
qu’un jour, quand je serai bien vieux,
bien glacé, aurais je le courage de parler
des années 1818-1819-1820-1821.“ Ces
cris de passion, emprissonnée dans la
forme concise et nette qu’il affectionne,
et parmi les railleries sur la société et
sur lui-même, font comprendre qu’il
disait à son propos : “L’Amour a fait le
bonheur et le malheur de sa vie".
Peut-être aussi, du moins en sa jeu
nesse, se fit-il une grande affaire de
l’ambition. Le désir d’occuper une
charge importante de l’Etat, et celui
de rencontrer une femme qui fut pour
lui l'amour, étaient ses deux buts. Cela,
pour lui, était l'action, la vie.
Car, avant tout, et ceci explique ce
qu’a de dédaigneux pour la pensée
pure, son caractère, Stendhal est homme
d’action. Et son enthousiasme tire de là
son caractère de positivisme. — Il aime
agir à la folie, — Son tempérament
violent, excessif, l’engage à se dépenser
en voyages, démarches, aventures, en
un mouvement perpétuel. Et son don
parfait de psychologue l’invite à noter
scrupuleusement tous les faits, toutes
les anecdotes, tous les détails signifi
catifs*
C'est un étrange amalgame, une
fusion rare : cet homme d’action qui
philosophe sur tout. Ce psychologue
savant qui fait avec délices la cour aux
femmes, et qui participe aux plus
glorieuses campagnes de Bonaparte. —'
Cas tout exceptionnel, car il est ordi
naire que l’homme de science fasse de
la psychologie du fond de sa chambre
de travail, et l’envisage, pour ainsi
parler, de l’extérieur. — Stendhal,
homme à la fois de science et d’action,
regarde au contraire, du centre de la
société, se place tout à l’intérieur. Il
décrit les passions dans le même temps
qu’il les éprouve, et s’accorde aussi,
grâce à son cosmopolitisme de précur
seur, de savourer les sentiments dans les
plus divers.
Pendant la retraite de Russie, il
mettait à profit les angoisses de la
Grande Armée, pour étudier sur les
physionomies des soldats, les expres
sions que cite Cabanis. Ce qui, d’ailleurs,
ne l’empêchait pas de comprendre clai
rement et de maîtriser la situation.
C-’est grâce à lui, à ses soins et à son
habilité, que l’armée française eut les
seuls vivres qui furent distribués entre
Smolensk et Wilna.
Et vous appréciez le sang-froid
réduisant dont il fesait preuve, au bord
du tombeau que fût la Bérésina, en
n’omettant pas de se raser, parmî les
troupes en déroute, et entre deux
assauts de cosaques. A son enthousiasme
consentré correspond ainsi la bravoure
froide.
C’est dire que Stendhal, ayant vécu
tant d'actions et de passions, se trouvait
avoir pris pied solidement dans le réel ;
ce réel d’où germe finalement toute
beauté et d’où, seulement, elle peut
naître. — Que lui importe la métaphy
sique et les métaphysiciens, “ces hommes
supérieures qui n’ont fait que de savants
châteaux de cartes". Rien n’intéresse