ÇA IRA !
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Les conséquences de la paix <*>
La guerre a été pour bon nombre
d'auteurs une inépuisable source d’in
spiration : nous avons été littéralement
submergés pendant quelque temps par
ce qu’on est convenu d’appeler “litté
rature de guerre".
Nous ne voulons pas même parler des
ouvrages de spécialistes ; de ces multi
ples ouvrages de généraux et stratèges
qui approuvent ou critiquent amèrement
les opérations des Etats-majors : ce sont
là des livres que nul ne lit.
Les poèmes, contes, nouvelles,
romans exaltant la vertu patriotique et
guerrière sont légion, Fade sauce senti
mentale faisant monter les larmes aux
yeux des bénévoles lecteurs.
Un jour une formidable bombe
éclata : “Le feu“ de Henri Barbusse.
Finie, la guerre fraîche et joyeuse : une
peinture sobre, mais vraie, de la crasse
dans laquelle vivent nos soldats ; de la
pénible et triste vie qu’ils mènent ; de
l’abaissement du niveau intellectuel et
moral chez ceux qui vivent dans les
tranchées Un scandale, mais un
succès unique.
Après le succès du livre de Barbusse,
comme des champignons se levèrent des
pléiades d’écrivains, qui eux aussi
voulurent bien constater que depuis la
guerre, rien ne marche plus, que nous
vivons dans les ténèbres, et que tout est
pour le pis dans le pire des mondes.
Et l’on remarque déjà que le succès
de ces livres va chaque jour déclinant :
(*) Cfr. Jhon M. Keynes : Les conséquences de la
paix.
nous sommes saturés d’horreur. Après
“Le Feu" et “Menschen im Krieg“, qui
certes ont une haute valeur, les histoires
de guerre nous émeuvent à peine. La
“terreur et la piété" ont fui : on con
nais pour l’avoir entendue trop de
fois, l’histoire du pied du mort où l’on
suspend son casque, ou de la main
crispée dans laquelle on crache en
passant, avec indifférence.
Illusion !.... Illusion douce, mais
trompeuse....
Se dresse la silhouette de Jhon
Maynard Keynes homme foncièrement
honnête, quoique diplomate, et savant
économiste. Devant les yeux des hom
mes épouvantés le professeur de
Cambridge agite les feuillets de son
livre implacable, son livre plein de
chiffres inexorables.
Personne ne pourra dire que Keynes
est un pêcheur en eau trouble, un
révolutionnaire dangereux, à la solde du
gouvernement soviétique : lui-même
déclare sans embages son antiphatie
pour le régime communiste et pour le
bolchévisme dont il ne semble pas
comprendre la portée. Le gouvernement
de Sa Majesté très britannique l’envoya
même comme délégué auprès du Con
seil Economique Suprême. Rien de plus
orthodoxe donc....
Or que voyons-nous ? Le 7 Juin 1919,
alors qu’il ne garde plus d’espoir de
voir se modifier les clauses du traité,
Keynes démissionne, ne voulant être
complice responsable du suicide de la
vieille Europe. En décembre de la même
année, il jette à la face du monde son