DRIEU LÀ ROCHELLE 275 Nous fûmes surpris Nous fûmes surpris, comme nous descendions de Verdun, par la nouvelle âprement attendue d'un jour à l'autre, depuis quatre ans, sou dain incroyable. En l’honneur de l'armistice, mon général américain me chargea de pourvoir à une bâfrée qui restât dans nos mémoires de géants. Je raflai des bouteilles de champagne et de fine dans une ville de l’arrière. Elle perdait sa situation : les soldats, qui avaient pu s’y cacher, sentaient moins leur honte et se réjouissaient timidement de la nouvelle orien tation; tapis longtemps dans la coulisse d’un grand paysage humain — mille trous, mille traits éphémères, arbres immenses de fumée — les habitants comptaient leurs profits. Plus tard, ils regretteraient le pittoresque. La bâfrée eut lieu chez le dernier curé d’un antique village, tandis que sur la route passaient encore de puissantes caravanes. La cuisinière, avec un soin infini, où se mêlaient une imperceptible vanité, une tendre reconnaissance, un étonnement sans curiosité, une minutieuse ignorance du génie américain, nous avait préparé deux ou trois plats exquis qui furent emportés dans des torrents d'alcool. Trois jours plus tard, je pus venir à Paris en fausse permission. J y arrivai après une course à cheval et en auto qui avait brassé mon sang. Le soir, j’allai au bar recruter des compagnons. Grâce à un camarade