DRIEU LÀ ROCHELLE 283 plate-forme, nous apercevons La Marche qui dégringole de son siège. Alors que nous sommes descendus nous-mêmes, il nous heurte, il nous écarte en jurant et court vers un charretier qui s’éloigne en brandissant son fouet contre lui. La Marche, à une correcte allure, les coudes au corps, rejoint l’homme en quelques foulées, et d’une seule poignée, le descend de son siège. Il s’écarte un peu, prend position, allonge le bras et le met par terre. Pendant ce temps, nos pieds nous ont portés jusqu’au point de chute. — Qu’est-ce qu’il y a ? A une pommette de La Marche, un bref trait blanc sur fond rouge. — Le salaudI il m’a foutu un coup de fouet en passant. Ah! mon salaud, va ! II est ravi. Ablain, tout ému, a un geste gauche pour relever l’homme qui est ivre. Arrivent des gardes municipaux. Nous sommes dans un quartier bourgeois; une petite foule leur conseille vivement de mettre en boîte cet ivrogne justement corrigé, car il est plus saoul d’idées que de vin. Quant à La Marche, on le laissa partir, après qu’on l’eût pris en note. Comme c’était son dernier voyage, rieur, il nous proposa de l’at tendre à la sortie du dépôt et de l’accompagner chez le commissaire. — Je voudrais voir ce qu’ils vont faire de mon type. S’ils le repas sent à tabac, le pauvre vieux! Le commissaire reçut, sans aucune bienveillance, notre ami que nous suivions avec admiration. Ce jeune richard, infatué de s’être promené dans la guerre, pourquoi se mêlait-il de défendre l’ordre ? Qu’il en pro fitât, c’était tout ce qu’on lui demandait. Mais Ablain cita des noms imposants et, comme il demandait, soudain hostile à la police, l’élar gissement de son bonhomme, il l’obtint. Le charretier était dégonflé; dans la rue, il nous regardait avec mé fiance et ahurissement. Mais il était bien content d’être sorti du lieu de supplice vers quoi ne le portait plus aucune ardeur. WKÊÊÊÊÊÊ