DRIEU LA ROCHELLE 293 — Guy, épousez-moi. Je n’ai pas beaucoup d’argent, nous mange rons ma dot. Après... — Vous me voyez en mari? — La partie devrait vous tenter. Je vous croyais joueur. — Je traîne dans les bars, je n’ai pas de situation, je ne suis pas un homme qu’on épouse. — Bon, je vais me marier. Vous aurez pour maîtresse une femme mariée. Ce sera très 1890. — Peuh!... Nous nous arrêtâmes ensuite devant un tir. Autre histoire. Un mon sieur épaulait. Des tics pleins la figure comme une guêpe contre une glace. Soudain, tout s’immobilise, les pipes volent en éclats. Le tireur se retourne; sa figure encore effacée par l’effort, disparaît devant Guy, sous un anéantissement plus irréparable. Guy fronce les sourcils et me regarde de biais. Jim Fizz avait l’air d’une brute, parce qu’il avait quarante ans, les épaules surmontées, une grosse tête, une grosse voix. Mais les appa rences sont parfois trompeuses. Dans son art qui était le cinéma, il brouillait l’écran de ses mièvreries. C’était, en réalité, un petit garçon qui pleurait dans les coins, ce gros débauché, chez qui se déversait, comme le stout dans un verre épais, î’écume de la jeunesse. Rapprochant Fizz du Paltoquet, je les voyais si différents que je perdais à nouveau la trace de Guy. Je ne savais pas débarrasser un visage, un corps, des artifices et des accessoires; retirer à celui-ci sa moustache, ou, au contraire, poser une barbe à celui-là. Si j’avais rajeuni Jim Fizz, de vingt ans, si je l’avais rasé, j’aurais vu qu’il ne différait plus du Paltoquet. Ou inversement. L’un et l’autre, c’étaient des coeurs de sucre dans des corps de grosse viande. Mais n’oublions pas que nous sommes à la foire, voilà justement que le Paltoquet passe dans un wagonnet folâtre. Il est près de nous, il nous fait un signe mesquin de la canne qui, dans ses mains, est un