TRISTAN TZARA 819 FAITES VOS JEUX LE FAUX PIÈGE XI. — Deux réactions brutales à des apparences trompeuses. Je ne sais plus par quelle manœuvre de prétextes réciproques je me trouvai dans sa chambre. Je l’avais connue modèle chez des peintres parmi lesquels je me plaisais à perdre mes heures en esquissant des idées qui tardaient à se montrer. Elle était petite, son visage était laid malgré ses traits fins et réguliers. Ses cheveux coupés accentuaient la trop grande distance entre les yeux, ce qui donnait à son visage un caractère absurde, souriant et mongol. Elle était très au courant de la littérature et de l’art, car elle savait s’en informer aux sources mêmes; je ne faisais qu’un anneau de plus à la chaîne de sa vaste documentation. Son esprit était vif, et, saisissant au vol les trapézistes qu’étaient les mots, elle dosait assez bien leur degré d’obscurité pour combiner des propos parfois inattendus dans le vaste espace entre les cordes tendues parmi lesquelles le déclin de son corps se faufilait adroitement. Quatre jours pendant lesquels elle put suivre le fonctionnement de mon cerveau, me suffirent à connaître le désordre de robes, de tasses, de livres, de chaussures, de bouteilles, de restes de repas et de systèmes philosophiques qui compose la « vie d’artiste », — l’orgueil qu’elle