TRISTAN TZARA 321 charmant qu’elle n’avait pas besoin de mentir, ce qui certainement est un défaut pour des personnes compliquées comme moi, vivant de chaos et de clarté. Tant de ses propres habitudes de penser, de mots qu’on incruste avec des boutons de sonnettes électriques dans son être, prolongent leur vie dans celle de la femme qu’on tient devant l’objectif du cœur, en pleine lumière sous le réflecteur, embellie par Tardent velours des rayons, étrangement lumineuse! Croyant avoir enfin trouvé la tranquillité rêvée, je voulus la voir plus souvent. En très peu de jours, mon désir se distilla comme l’alcool, mais je le dissimulai dans des calculs sournois et sans scrupules. Ma tactique changea de direction, adroitement, et je me dois la posthume félicitation de l’avoir peu à peu amenée, sans qu’elle s’en aperçût, à la conscience du mal que lui faisait sa virginité. Pour la première fois, après trois semaines, elle vint chez moi dans la soirée. J’eus une espèce de frénésie à la déshabiller, mais peut-être eus-je tort de trop regarder son corps, si longuement guetté par mes sens, habillé d’un gant trop parfait, la peau tendue et brillante. Pour elle tout restait simple et répondait à la claire nécessité que sa chair avait choisie. Trop simple même, car, la sachant pudique (et ne voulant pas me voir, même à travers ses yeux, dans le rôle d’un boucher acharné à son horrible labeur), je voulus éteindre la lumière. Avec son rire sémil lant elle me pria de ne pas le faire. Je puis comprendre maintenant son désir d’éclairer ses responsabilités. Mais à ce moment toute sa fausse pudicité se réveilla amassée en moi (troublée par un démon chimique), et l’idée qu’elle fût à un tel point hypocrite, me poussa à lui ordonner de s’habiller. Je la mis presque à la porte avec la férocité qui sauve quand on est incapable d’expliquer ce que soi-même on ne comprend pas. Elle ne comprit pas non plus mon insolent silence, ni la lettre que je lui envoyai et qui était une épave d’un lointain voyage échoué, car de ma part c’était de la honte que pour ma commodité morale je transformai en haine et en dégoût.