338 LE ROMAN ces airs de fausse séduction qui rendent insupportable certaine partie de la littérature actuelle. Sa forme est sobre, obéissante. Malgré une tendance à s’éloigner de la simplicité en s’élevant vers la grandeur, ce style n'est entaché d'aucun verbalisme et reste le langage bien articulé de l'intelligence. Parmi tant de témoignages divers que nous livrent les imaginations et les sensibilités contemporaines il faut faire une place à part à ce très jeune écrivain qu’une gravité précoce, une intelligence perpétuelle ment attentive et une méditation d'une exceptionnelle richesse font l’un des esprits le plus fortement retranchés en eux-mêmes de ce temps. Jacques POREL À LA DÉRIVE, par Philippe SoupauU (Férenczi). Les livres de Philippe Soupault coulent d'un seul jet, plutôt torrents que rivières, parfois cascades, parfois aussi jeux d'eau pour jardins artificiels et littéraires. L'auteur s’y embarque à la première page, il ne connaît pas sa route, il ne s’en inquiète pas ; il est comme on disait aux temps romantiques, une force qui va. S'il lui arrive de passer entre des rives limoneuses, ou de s'attarder à pêcher pour ses collections particulières des poissons rares et peu comestibles, nous le recon naissons toujours : c’est le même frémissement, la même ardeur, le même lyrisme. Philippe Soupault est un écrivain lyrique ; tout ce qu'il fait participe de la création d’un poète ; son nouveau livre le montre mieux encore que le Bon Apôtre. Je ne voudrais pas que l’on prît cette constatation pour un faux compliment, car l'habitude s’est formée, appuyée sur quelques illustres exemples, de penser qu'un poète ne peut être un bon romancier. Qu’on me permette donc quelques remarques.