AVENTURES D’UN FRANÇAIS EN ALLEMAGNE 235 Aventures d'un Français en Allemagne A l’un des plus élégants hôtels de Charlottenbourg, l’aile élégante que Berlin ajoute en hâte à sa forte carcasse affaissée, Lionel confiait ses impressionnantes valises de cuir. Le valet, un géant gris perle à bou tons d’or, ancien lieutenant-colonel russe, tondu à la Tatare, les avait symétriquement rangées dans une chambre à la fois cossue et nue, selon l’esprit moderne. Singulièrement respectés pour leur splendide extérieur par le valet descendant de Rurick, les bagages du Français ne subissaient non plus de violences intérieures. Seulement, remué en de secrètes pro fondeurs par un petit carré de papier, signe remarquable par le volume des caractères et l’heureuse combinaison de couleurs violentes, le Prince Abezaroff, sous les yeux mêmes du voyageur, arrachait délicatement de la peau qu’on eût dit vivante l’étiquette d’un palace de Venise et, l’en gloutissant comme un pourboire dans la poche haute du veston de livrée qui. fut sa « toujourka » de petite tenue militaire, se retirait bouleversé, et à reculons, en murmurant des vers de Lermontoff. Mais c’est dans une pauvre maison de Moabit que Lionel serrait son pyjama et son sac de nuit. Une méchante valise de football payée 300 marks à une grosse demoiselle à lunettes bleues qui, campée parmi