AVENTURES D’UN FRANÇAIS EN ALLEMAGNE 239 la solitude, une extraordinaire expression joviale que ne démentaient pas toujours les propos du vieillard, soutenus par de larges et trem blants gestes désespérés. On se représentait gigantesque la carcasse ratatinée si elle se levait jamais; mais Hans Macke demeurait résolument assis. La première question du vieillard à son hôte avait de quoi décon certer. — Etes-vous juif? Quand, se fatigant à vouloir suivre les feux doux de l’œil jovial, rigoleur, et les gammes tragiques esquissées dans l’espace par les énormes mains sèches, pareilles à des racines de guimauve, Lionel eût honnêtement répondu : — Oh!... oh!... Mêla, ma chérie, tu entends?... Il n’est pas juif... c’est extraordinaire!... étonnant!... toureiffelich!... Vraiment, Mon sieur, vous n’êtes pas juif?... Il éclata de rire. — Il est gâteux, pensa Lionel. Hans Macke poursuivit : — J’aime autant. Oui, mes félicitations! (sic). J’aime autant. Parce que... nous avons à nous entretenir de certaines choses et... ach! si vous étiez juif ce serait trop simple, il n’y aurait presque pas d’agrément et puis... vous admettriez volontiers... mais comme le monde n’est pas encore tout à fait juif... je suis gai, Monsieur, un révolutionnaire doit être gai... Est-il assis? Mêla. Lui as-tu donné le tabouret bleu?... Prenez-le, Monsieur, il est le meilleur. Et, naturellement, vous n’êtes pas non plus révolutionnaire? — J’ai appartenu au Parti, répondit franchement Lionel. Hans Mack demanda avec brusquerie : — Quelle section? — La neuvième, celle de mon arrondissement, comme de juste.