AVENTURES D’UN FRANÇAIS EN ALLEMAGNE 243 — Je l’ai salué, répondit Moriss Breitenstrater, le plus beau spéci men de beau soldat allemand qu’eût jamais vu Lionel qui en avait combattu plusieurs en de durs corps à corps. J’ai salué l’oncle, mais pense à moi, chérie. Je suis à moitié foutu. Ils m’ont salement éreinté, les sales cochons, mais ça n’est pas ça; il faut maintenant que je foute le camp. Avec les deux copains, que tu connais bien, nous avons cassé la gueule du sale juif, un ministre traître de moins. Trois balles en plein dans sa sale cervelle de cochon. Mais nous avons eu une panne d’auto et cette andouille de Millier a laissé sur les coussins son paletot vert; les poches en sont pleines de tout ce qu’il faut pour nous pincer avant demain. Faits comme des rats! C’est comme ça qu’on dit à Paris, n’est-ce pas, monsieur? Je vous demande pardon d’interrompre votre petit roman allemand. Ça n’est pas que nous soyions si mal élevés que vous le dites, mais, et c’est la raison pour quoi j’ai dû négliger ce petit cœur, il y a tant de sales cochons à abattre pour que les gens d’ici respirent à nouveau l’air pur de la Patrie!... Mêla haletait que Lionel, la voyant rosir comme d’autres pâlissent, n’osait presque plus soutenir. — Dites donc, cher copain, fit Moriss Breitenstrater, enfonçant sa casquette marine et s’essayant à grasseyer le français, épatant pour votre canard! Quelle belle colonne! Je vous donnerai tous les détails... dites, aidez-moi donc à foutre le camp, ça vaut bien ça. Lionel s’étonna encore d’avoir alors dit, très bas, à Mêla, à ce moment à demi vêtue : — Tu l’aimais beaucoup? — C’est répondit-elle, mon cousin; c’était aussi mon schatz! — Oui ou non, vous marchez? insista Moriss Breitenstrater, mais sans forcer le ton. — Oh ! oh ! vous le sauverez, supplia Mêla en caressant, chastement,