MOGANNI NAMEH 271 Vieux cœur, ridé et fatigué, tourmenté et profond, calme comme la Mort, Océan de jadis! O visage assombri! O vieux cœur éreinté, Océan de malheur, Océan médiéval! » Puis il s’habilla gaîment, et, en buvant le thé matinal et chaud, il écrivit à son amie : (( Olympie! — La nuit, mon lit est soulevé par des vagues d’insom nie. Mon esprit fatigué vogue au loin sur la mer. Les ciels tournent, des nuages menaçants passent, des éclaircies aurorales pleurent, des crépuscules ensanglantés dégringolent. Et, toujours, je vogue vers je ne sais quel état de béatitude — où, tout à coup, ton visage monte, comme une constellation au ciel tropical de mes rêves. Tandis qu'au loin des tonnerres sourdement roulant, au milieu de l’immensité mou vante des eaux et de l’immensité fuyante des nuages, nos mains s’agrip pent, notre étreinte nous unit fixement, — et tout, autour de nous, s’écroule. Pourtant, je suis un peu triste. Je te vois, comme une Ophélie pâle, planer et voguer sur les flots. Tu es vêtue d’un froid rayon de lune; ta robe pétille, scintille dans l’eau saumâtre. De tes mains, tu effeuilles la rose ardente de notre amour et les pétales tombées laissent une traînée crépusculaire de sang. Es schlürft der Sonnenwein das Meer, am Abend. Platen. Te souviens-tu?... Et c’est aussi ce que me disent mille voix : « Te souviens-tu? » L’atmosphère est troublante et j’ai peur de la fièvre. Un crépuscu laire tableau de Giorgione me hante, où le soleil couchant souille la lame ensanglantée d’un glaive. Une femme livide le tient à la main, ce glaive, et son pied est posé sur le chef décollé d’un homme... Salomé?... Judith ?....