MOGANNI NAMEH 273 cervelle; puis, peu à peu, des idées se groupaient tout autour et même ses actes y convergeaient, s’y cristallisaient. Il était émerveillé de voir combien sa vie se mêlait à sa littérature, et réciproquement. Mais, n’était-ce pas naturel? Le cerveau, l’âme, le sexe ne forment qu’un tout, entremêlé, inextinguible, comme des mains jointes. La vie et le rêve, le réel et l’irréel se marient profondément, l’union est si intime, qu’il est fort compliqué de saisir quelque chose, d’expliquer un fait, d’entendre la ténuité des notes corollaires, qui permettraient pourtant le renversement, le dénouement de l’accord. Mieux que Poème et Réalité, de Goethe, le Rêve et la Vie, de Gérard de Nerval, confir mait cette opinion, et Descartes, dans son Traité des passions, expli quait clairement le mécanisme de ce corollaire. Il fit des efforts pour se remémorer le passage, vit distinctement la page ouverte devant ses yeux et lut : « Mais, en examinant la chose avec soin, il me semble avoir évidemment reconnu que la partie du corps en laquelle l’âme exerce immédiatement ses fonctions n’est nullement le cœur, ni aussi tout le cerveau, mais seulement la plus intérieure de ses parties, qui est une certaine glande fort petite, située dans le milieu de sa substance, et tellement suspendue au-dessous du conduit par lequel les esprits [animaux] de ses cavités antérieures ont communication avec ceux de la postérieure, que les moindres mouvements qui sont en elle peuvent beaucoup pour changer le cours de ces esprits, et réciproque ment par les moindres changements qui arrivent au cours de ces esprits peuvent beaucoup pour changer les mouvements de cette glande. » Ouvrir une vie, saisir un fait, tirer la fibre précise dans cette chair vive pour provoquer les soubresauts voulus, reconstruire, à volonté, des syn thèses inattendues, voilà le rôle de l’Art. De ce double processus découle un double procédé : l’art qui s’attaque à l’entité première, fait des bles sures, fouille les plaies, est un virus, un élément de dissolution, formente les névroses, découvre la fibre insoupçonnée de l’âme, la tire à soi —