280 ANDRÉ LHOTE s’émouvoir outre mesure, lorsque l’on est peintre, de l’énorme monument qui se dresse en face d’Elle, contre Elle, et qui est la somme des conventions que les hommes ont inventées, depuis qu’ils ont manié pinceau, ébauchoir et compas. J’ai plaisanté jadis sur les soins dont on entoure Dame Nature, comme si Dame Peinture, sa rivale, ne méri tait pas d’aussi ardents hommages. Sur la plage d’où j’é cris en ce moment, mille tritons s’agitent ; ils ont bien mangé ce matin ; ils recommenceront ce soir ; pour peu qu’ils fassent l’amour de temps en temps, je considère qu’ils sacrifient suffisamment au culte de la Nature. Com bien parmi eux sont capables de sacrifier au culte de la Peinture ? Ces derniers soins me semblent beaucoup plus difficiles à assurer que ceux que j’énumère plus haut ; ils impliquent, en effet, en plus d’un œil habile à distinguer les objets, une connaissance de l’histoire de l’art, une pra tique des musées, et une divination des possibilitée plas tiques renfermées dans les objets, toutes choses qui ne sont pas à la portée du vulgaire Sans entrer dans des détails qui nous entraîneraient trop loin, et qui nécessite raient une analyse sérieuse et appliquée, on peut cepen dant s’interroger au sujet de ce fameux « respect de la na ture » que nous recommandent tant de critiques soucieux de notre salut. J’ai lu pas mal d’ouvrages écrits par des peintres célèbres (au temps où les artistes avaient le droit d’écrire) — ou par des hommes dont l’unique souci était de rapporter leurs propos. Tous ces personnages éclairés donnent invariablement de notre art la définition suivante : « La peinture est limitation de la nature ». JVLais une fois en paix avec leur conscience, grâce à cette affirma tion sommaire et, en quelque sorte, rituelle, leur soin le plus pressé est d’énumérer les règles grâce auxquelles