290 W. MAYR ques, les littérateurs pour juger, n’ont jamais eu besoin de ces délais ». Oh ! oh ! J’affirme, au contraire, n'avoir jamais entendu un litté rateur, poète ou romancier, juger sainement, impartialement un con frère. Ou bien les éloges sont outrés parce qu'ils proviennent d'une camaraderie qui en attend la pareille, ou bien les critiques sont dictées par l’envie. La neutralité, quand elle existe, n’est jamais bienveillante» mais consiste en une expectative dictée par la prudence. Mettez à l’aise votre interlocuteur, jetez la première pierre ou le premier nuage d'encens, et vous le verrez s’élancer, et comment! Une récente enquête du Figaro sur l’état présent de la poésie a fourni le charmant specta cle de gens n'admettant qu’un genre de poésie, le leur, et chantant p ouille s sur celui du voisin. Quant à l’exemple de Boileau, dont M. Vandérem se sert pour prouver que la promptitude du jugement peut s’allier à la justesse, il est mal choisi puisque le « législateur du Par nasse » qui n’entendait rien au lyrisme ni à la fantaisie cribla des traits de sa verve Scarron et Scudéry, et malmena des poètes qui méritaient un meilleur sort. — Terrible et précieuse partialité qui déblaya le XVII” siècle littéraire et nous le présenta sous les traits d'auteurs marchant tous sur le chemiu royal de la raison. Système encore que tout cela. Ce génie critique (et dogmatique, s’il vous plaît ! ) traça le plan et posa les fondements de ce grand siècle, et Voltaire, élève des Jésuites qui formèrent son goût étroit mais pur, n'eut qu’à bâtir la façade. * * * M. Vandérem me paraît avoir davantage raison quand, à la fin de sa chronique, il incrimine la façon dont on enseigne la littérature aux jeunes gens : "Il faut même aux enfants une étrange intuition de la beauté pour ne pas être dégoûté des classiques de la manière dont on les leur enseigne.” Voilà une critique qu’on adresse à mainte école, qu'elle se nomme Beaux-Arts, Conservatoire ou Université. Je la crois, en l’occurence, très justifiée, bien que les manuels n'y soient pour rien, car l’usage qu’on en fait dans les lycées est extrêmement parcimonieux. Tant on craint l'ordre, le classement, le système des «idées toutes fai tes ».