LES BONBONS DE L’ÉMIR
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plus souvent il s’agit d’une passion qui ne s’embarrasse point de retour
ni de justification; elle agit, trouve son plaisir en soi-même et ne se
satisfait jamais; elle est en outre fort pudique et use de mimétisme afin
d’être moins remarquée. Que peut-on dire des passions? On ne peut
être ridicule au point d’en établir une hiérarchie bureaucratique et de
louer le sous-chef au détriment du simple expéditionnaire. A moins de
revenir à la société. Voici donc des passions nobles; celle de la renom
mée en est une, celle de la divinité une autre plus noble encore, limitée
à l’usage de Dieu par des conditions qui éloignent tout autre aspirant.
Mais à ce compte, la grandeur de ces marabouts magnifiques qui ven
dent en petites bouteilles leurs larmes ou leur sueur pour le plaisir ardent
de monter au haut des minarets et de voir à leurs pieds l’unanimité
d’une foule enthousiaste, cette grandeur n’est pas plus étonnante que
celle des petits sultans de la politique municipale ou des grands eunuques
du harem de la république. La passion du politicien n’est pas toujours
si fade. Etre maître du destin de milliers ou de millions d’individus com
porte un plaisir dont l’énormité l’emporte sur la mollesse de l’esthéticien
ou du philosophe enfermés dans une boîte qu’adorent leurs fidèles. La
boîte parfois suffit : point n’est besoin que le penseur l’habite ni même
qu’il existe. Napoléon et M. Bergson sont deux types d’hommes à
succès. Différence de température.
* 1 .
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Pour le moment le monsieur à cerveau est éclipsé par le politique.
Il y a une crise de politique mondiale. Rien n’existe que la vie des
Nations. Intra et extra. La longue contraction éthique a abouti à la
détente du fameux massacre que l’on pense. Et maintenant qu’on a
achevé de ramasser les têtes emportées et de dénombrer les yeux crevés,
après un intermède consacré à la danse ou aux divertissements intellec