MOGANNI NAMEH
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Il parcourut la Préface de Huysmans, qu’il connaissait déjà, lut
attentivement la table des matières, étudia l’index et se campa en face
de la bibliographie. Il remplit des bulletins de commande : la Patrologie
latine de Migne, le Glossaire de Du Cange, Ebert, les Œuvres de Com-
modien, différents manuels d’art chrétien. Il ressentait de petits frissons
de fièvre, la hâte et la joie d’une bonne lecture; entrevoyait des après-
midi, quiètes, d’étude, parmi des vieux bouquins, au fin fond d’une
bibliothèque, oublié, seul, loin de l’agacement des siens et des cris des
journaux.
« Les ordinaires historiques de la littérature latine se clôturent, sous la
main des cuistres scandalisés, vers le IV e siècle... »
Les sourdes cadences des nobles phrases de cet admirable livre le
calmèrent, il subissait l’emprise violente de l’auteur.
(( ... Seule, que l’on soit croyant ou non, seule la littérature mystique
convient à notre immense fatigue, et pour nous qui ne prévoyons qu’un
au-delà de misères de plus en plus sûrement, de plus en plus rapidement
réalisé, nous voulons nous borner à la connaissance de nous-mêmes et
des obscurs rêves, divins ou sataniques, qui se donnent rendez-vous en nos
âmes de jadis... »
.. Les heures passaient...
Dans son cerveau régnait un demi-jour de paix, une fraîcheur, comme
dans la cour en majolique d’un alcazar, où sous les arcades mauresques,
clapote, voix du silence, le jet d’eau.
Une pâmoison de roses blanches monta des jardins et des terrasses,
un parfum lourd.
Il fut troublé. Il pensa à Rosabelle. Y irait-il? — Oui. — Non...