282
ANDRE LHOTE
« La peinture actuelle ne semble-t-elle pas orientée
« dans ce sens?»
— Nous avons tous rêvé, à une certaine époque de
notre vie d'artiste, d’art décoratif. L’influence de Gauguin
a fait malheureusement plus, pour l'éclosion de ce nou
veau tic, que les désirs des architectes. Quoiqu'il en soit,
une maladie de la couleur pure, du hiératisme graphique
s est soudain emparée de toute une génération. Les pri
mitifs redevinrent à l'ordre du jour. Les miniatures
persanes, les estampes japonaises, les peintures thibé-
taines furent mises à contribution, et ce ne furent, à
chaque salon, que fresques sans mur, et panneaux déco
ratifs sans emploi. C'était chercher bien loin, et bien
maladroitement, une vérité qui n’eût pas dû déserter les
ateliers et qui, grâce au cubisme, commence à s'imposer
lentement à l’esprit public. Elle peut se résumer ainsi :
Le tableau, du fait même qu'il est placé contre un mur,
fait partie intégrante de ce mur; il remplace la fresque
inutile aujourd’hui; il constitue, si j'ose dire, une fresque
ambulante. Car on déménage aujourd’hui.... quand on
le peut. Pour s’intégrer au mur, il faut que le tableau sou
tienne avec les éléments architecturaux qui l'accompa
gnent un rapport précis. Il doit contenir des signes plasti
ques capables de s’accorder à l’avance non seulement
avec les courbes et les angles de la construction, les profils
des moulures, mais encore avec les lignes des meubles dont
il sera le voisin. En un mot le tableau, pour être mural, doit
contenir d'abord des éléments tirés de la géométrie —
Mais il serait plus simple de dire ceci * Il suffira à un tableau,
pour être décoratif, d être un bon tableau. Car, d'une façon
générale n'est bon tableau que celui qui renferme des élé
ments géométriques vivifiés par le jeu des valeurs colorées
les modulations du clair-obscur. En somme, un peintre ou