CRITIQUE GÉNÉRALE
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gences », de leurs « injustices ». Il ne fait grâce qu'à Jules Lemaître
parce qu’il fut sensible envers les vers, le roman et le théâtre qu'il
avait lui-même pratiqués.
J'abandonne à la vindicte de M. Vandérem la tête de Faguet,
qui a sottement médit du XVIII* siècle ; j’ai plus d’admiration que.
de sympathie pour Brunetière, qui a lourdement diffamé Renan. Mais
s’imagine-t-on que Lemaitre est exempt de « gaffes» et autres péchés
commis par des critiques « sensibles » ? N'a-t-il pas, entre autres, parlé
avec fort peu de « sensibilité» de Verlaine ? Ah 1 il est facile de pontifier
sur les auteurs du XVII* siècle qui jouissent d'un verdict d'immorta
lité sans appel. Rien ne parvient plus à ternir l’éclat de l'airain dont
sont composées les statues immuables des classiques du siècle de Louis
XIV. Mais à mesure que l'on descend vers nous, les figures perdent leur
austérité, leur précision ; au lieu d'être en bronze, elles parais
sent coulées en une matière molle et changeante qui subit la pression
de l’opinion. A partir du XIX’ siècle, ce ne sont pas des statues qui
marquent la série de l'histoire littéraire, mais des portraits dont l'as
pect se modifie constamment. Le temps y travaille encore et les retou
ches qu'il y apporte sont nombreuses et déconcertantes. La collection
présente de nombreux vides : portraits égarés, sans doute, par des
possesseurs négligents qui en ignoraient la valeur. Demain on les retrou
vera, couverts de poussière, et quelque amateur les ayant fait restau
rer, les placera avec orgueil dans la galerie. Peut-être devra-t-on pour
leur trouver place, décrocher des portraits qui jusqu’ici avaient été à
l’honneur.
Telle est l'histoire des variations de l'opinion, et tenez pour certain
que la miniature représentant Gérard de Nerval, l'eau-forte de Barbey
d’Aurevilly sauront s'accrocher à la cimaise de l’histoire littéraire.
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Cependant, M. Vandérem ne croit pas à cette variation des
valeurs et il blâme M. Doumic qui s’excuse de ne pouvoir parler que
difficilement du XIX* siècle « parce que les hommes et les choses sont
trop près de nous ». M. Vandérem prétend qu' «à l’inverse des criti