228 PICASSO (J’excepte Braque, Juan Gris, qui devaient du reste, sept ans après, exécuter eux-mêmes des décors pour Diaghilew.) Nous fîmes Parade dans une cave de Rome où la troupe étudiait et qui s’appelait Cave Taglioni, nous nous promenâmes au clair de lune avec les danseuses, nous visitâmes Naples et Pompeï. Nous connûmes les gais futuristes. On trouve ailleurs les suites de ce voyage (2). Il est inutile de raconter encore le scandale de Parade en 1917 et son succès en 1920. L’important est de consigner l’aisance avec laquelle Picasso empoigna le théâtre comme il avait empoigné le reste. Ce qui le rend inapte au style décoratif devait le servir sur les planches. En effet, si la vie intense est une faute pour un décor dans lequel on doit vivre, cette faute devient un atout lorsque le décor d’un soir doit vivre avec les acteurs. Au théâtre, les personnages circulaient devant des toiles mortes, plus ou moins pittoresques, plus ou moins riches. Picasso résolut du premier coup une partie du problème. Ma réserve vient de ce qu’il faut pour obtenir l’échange complet entre les personnages et le décor, joindre à l’activité d’un maître celle d’un sous-ordre. L’intérêt que Picasso porte à n’importe quel effort extra-pictural est trop relatif pour qu’il s’y contraigne. N’importe, avant lui, le décor ne jouait pas dans la pièce; il y assistait. Je n’oublierai jamais l’atelier de Rome. Une petite caisse contenait la maquette de Parade, ses immeubles, ses arbres, sa baraque. Sur une table, en face de la Villa Médicis, Picasso peignait le Chinois, les managers, l’Américaine, le cheval dont Mme de Noailles écrivit qu’on croirait voir rire un arbre et les acrobates bleus comparés par Marcel Proust aux Dioscures. Les managers, dont le rôle consiste surtout à donner aux quatre per sonnages leur taille délicate de cartes postales, sont une faiblesse parce (2) Le Coq cl l'Arlequin.