268 LITTÉRATURE ET CRITIQUE rôle fut surtout de vulgarisation) ; nous parlons de leur charme de leur mystère ; ce n'est rien expliquer et en cela nous ressemblons à nos ancêtres qui découvrirent que la Nature avait horreur du vide. Je ne crois guère (et m'en réjouis) qu’on puisse jamais dissocier en divers éléments, comme les mosaïques, des œuvres semblables à celles de Dostoïevski, Tchékov, Gorki. Chaque page de Souvenirs de ma vie Littéraire offrirait dix, vingt sujets de roman ; nul passant n'échappe à Gorki ; je sais que l’imagination psychologique, la subtilité psychologique russe sont bien connues; j’ai entendu des slaves en prendre argument pour mépriser ceux qu’il nomment les occidentaux. Dimitri Merejkovsky a cité des passages où Dostoïevski lui-même affirmait, paraît-il, la piètre opinion qu'il avait des Européens et de leur civilisation. Est-ce à tort, à raison ? Peu importe en vérité, mais j'aime à noter, dans un débat à la fois si com plexe et si théorique, la modestie d’un Gorki écrivant ces lignes qui, sur lui et ses compatriotes, nous apprendront davantage que des livres entiers de critique: Derrière leur bonhomie presque toujours un peu factice, Léo Russes cachent quelque chose qui ressemble a de La muflerie. Cette qualité •— ou peuL-être cette méthode d'investigation — se manifeste sous des formes très diverses, mais principalement une tendance à visiter l'âme du prochain comme une baraque foraine pour voir quels tours on y montre, à la fouiller, la piétiner, la salir et parfois y renverser quelque chose. Et suivant l'exemple de Thomas, ils enfoncent partout les doigts, s’imaginant sans doute que le scepticisme de lApôtre est la même qualité que la curiosité des singes. René CREVEL.