TRISTAN TZARA 87 (( Toute la nuit j’ai eu la fièvre, des cauchemars; que donnerais-je pour une caresse de toi! Dix ans de ma vie seraient moins qu’une bonne nuit dans tes bras. Je suis triste, et il faut cacher mes pleurs, car les gens qui m’entourent ne comprennent pas. Si j’avais été riche, j’aurais pris le train aujourd’hui même ; je ne veux plus rester ici, je serais malade ; je t’aime et tu ne le crois pas, tu ne m’aimes pas. Je ne dis plus rien, je n’ai que du désespoir et je pleure », etc. Plus tard, elle m’écrivait : <( Je vais te dire que je m’ennuie à pleurer, seulement, comme je ne mets pas du noir aux yeux, je pourrai pleurer sans mouchoir. Si j’avais eu vingt-cinq francs, j’aurais pris le train tout de suite, car il pleut; les arbres ne sont pas habillés, il n’y a pas de fleurs, et que de très laides femmes, tandis que toi, tu es en train de prendre un bon café. (( Quelle injustice! Qu’ai-je fait pour souffrir ainsi? «Je demande peu de choses : des baisers, un sourire, voilà mon bonheur. Je marche sans rien voir, telle une somnambule; j’ai froid; je crois qu’en fait de me guérir je vais devenir tout à fait malade. Il n’y a pas de viande : la soupe, les légumes, du fromage, c’est tout ce que l’on mange. Ecris-moi, cela occupera mon pauvre cerveau. » Je suis allé la voir. Elle m’écrivait souvent. (( Je te dis que je me porte bien, le voyage n’était pas long, j’avais tes deux lettres qui m’ont fait grand plaisir puisque tu m’aimes; seule ment, je ne te crois qu’à moitié. Le soleil se cache, on dirait qu’il va pleuvoir, et toi, grand chéri, c’était un gros sacrifice que tu as fait de te lever ce matin avec moi; je suis jalouse que tu sois à Paris, car tu ne t’ennuies pas. J’ai le cœur gros en pensant que ce soir tu vas être seul dans ton sommeil; que je voudrais être, moi, ton sommeil, pour que tu te blottisses dans mes bras! Je t’aime beaucoup trop, et pour