G. RIBEMONT-DESSAIGNES 105 CHRONIQUE DE LA PEINTURE Ou les Deux Yeux et le Troisi roisieme C’est le murmure du printemps, la floraison retrouvée; les regards s’étirent, s élèvent et retombent en gerbes, fontaines lumineuses, pensées revêtues des grâces de la vue, cervelles vaporeuses et parfumées comme des pétales de rose, et tourbillonnantes au gré des vents de la mode, heureuses cervelles lisses des peintres que les soucis de la poésie ne rident point et qui n’interrogent d'autres mystères que ceux du bleu et du rose. C’est le temps de la peinture. Les grandes foires sont ouvertes. La beauté écarte les jambes afin que la foule ignorante jouisse de tous les secrets de l’amour supérieur, et sur les ailes des archanges se pâme en poussant des soupirs. Q,u’arrive-t~il donc en 1923? Ne saviez-vous pas qu’une ère de jeunesse était inaugurée? Est-il besoin d’un désa busé qui se remémore niaisement la suite des grandes crises et pleure sur la mort successive des classiques, des roman tiques, des réalistes, des symbolistes, des impression nistes, des fauves, des cubistes, des dadaïstes ! Les trompettes de Josaphat sonnent enfin, et le psaume reten tit : Jeunesse, jeunesse! — Il faut bien croire et s’émou voir. La liberté vient d’accoucher. Et dans les langes le nouveau-ne va crier.