G. RIBEMONT-DESSAIGNES 107 tées des limites invisibles d’un monde fini, se condensent en un diamant taillé, mais meurent à la moindre précision rétinienne, La raisonnable constatation du monde, voilà la beso gne congénitale des peintres. Cela ne porte pas à la dissolution. C’est pourquoi les peintres sont des gens vertueux, et de fades imbéciles. Leurs préoccupations, lorsqu’ils en ont, sont de cuisine, et pour les plus “ intel ligents”, de cuisine transcendent ale. Ils coupent l’espace en quatre, sondent, mesurent, pèsent et valorisent. Une ridicule géométrie de pacotille leur sert de barnum ou de confesseur. Ils ouvrent une large prunelle ronde. — Nature, dit l'un. — Recréer la nature, dit l'autre. Le troisième souffre d’insuffisance thyroïdienne, idiot per pétuel, et ne dit rien. Aujourd’hui les voici tous réunis pour la même fête, intellectuels et imbéciles, mais on n’y voit guère de dif férence. Où sont les fraîcheurs subtiles des tons divisés ? les violences pures? Ou la sombre austérité cubiste? Le même air couleur de cacao et de beurre noir baigne cet étalage d’esthétique spatiale, avec une nonchalance de femelle pudique et sale. Enfin qu’est-ce ? Style, sensibilité, construction, matière, charme, abstraction? — Rien, rien, rien. On ne me fera pas croire que ces gens sont des malades, des fous, des malfaiteurs ou des professeurs. Ils peignent parce qu’ils ont peint. Ils ne savent pas faire autre chose. Ils se tiennent à leur vomissement. C’est un commerce désespéré. La mode va du froid au chaud et du chaud au froid. Le froid pris comme chaud. Nous voici au froid complet. Le déplaisant, le répugnant, le rêche, le molasse, le bâclé, le prude sont tenus pour unité. Cela compose un beau pavillon pour une révolution.