122 FERMÉ LA NUIT FERME LA NUIT, par Paul Æorand, (N. R. F. édit.). On a dit et redit ce que Paul Morand avait fait dans le pittoresque, cette manière séduisante qu'il a de cerner les choses avec un crayon bleu, comme les yeux des femmes, et de les cerner de telle sorte que le trait qui les souligne les déforme tout aussitôt. On a parlé aussi de cosmopolitisme, de témoignage d’une époque prompte aux excès et au vertige, sécheresse de cœur, de modernisme,— que sais-je ? On a moins dit qu'à travers le grillage des mots et des images cocasses, il y avait de curieuses démarches morales à conserver. Cela pour Fermé La Nuit. Malgré la similitude des titres et des milieux, ce livre ressemble assez peu à son aîné. Il dénote un contrôle des mobiles et des nuances du caractère, plus expert et plus précis. Je dirais même qu’il y a, par rapport à Ouvert la Nuit, un complet renversement des valeurs. Le souci du décor qui naguère avait la vedette, passe mainte nant au second plan. Quant aux qualités de relief et de vérité des types d’individus, le sexe fort, chez Paul Morand, en accuse de bien plus sérieuses que l’autre. Dans les premières nouvelles, ces flottantes silhouettes de femmes, rompues au malheur ou à la coquetterie, nous plaisaient surtout par l'habileté de Morand à les situer dans un cadre qui leur ressemblait. Mais, somme toute, il ne rapportait d’elles que ce qu’il avait appris à en connaître dans l’espace d'une nuit (déjà beau coup, certes 1). Dans Fermé la Nuit, c’est tout autre chose. Ce sont quatre figures d'hommes qui derrière elles actionnent cette fièvre de l’atmosphère que l’œil de Morand est si prompt à saisir. C’est l'air qu’elles déplacent qui renverse les décors et en fait surgir d'autres. Dès les premières pages, on les sent dominer les événements que, pour ses expériences cruelles, Morand disposera sur leur passage. Avec une mollesse de grands seigneurs, nous les voyons s’étendre d’un bout à l’autre du