— — 6 TRISTAN TZARA LE CŒUR SANS RIDES II. Comment je passais mon temps d’une prédilection à l’autre. L’opulence de quelques vacances illimitées m’a conduit dans des pays de lenteur. Troupe de sentiments à exposer, décuplée par la désorgani sation des moyens de transport, les plages ensoleillées de richesse, les peuples lourds chassés dans leurs dilemmes, et les collines récompensées par les végétations des couleurs, — sang épanché hors d’une artère lacé rée — j’ai voyagé avec le faste des dentiers en or brodés sur le soleil des ports et des crevasses de vent cassé. Les transbordeurs, égratignures de l’embarcadère et les barques minuscules dans l’embarras de leur nombre, sont les muscles qui régissent notre plaisir, les chargements de marchan dises et les larmes à venir des mouchoirs qu’on agite. Aujourd’hui, en relisant les notes prises à Paris, je puis à peine com prendre la gaieté tatouée sur la main du souvenir qui me faisait voir l’avenir d’un séjour et d’une ville dans les lignes de la vie gravées sur le plan des rues. Les dimanches font souffrir partout, parce que le travail a cessé autour de vous et qu’une lumière douloureuse partage le doute que vous avez de votre inactivité. Les orchestres des terrasses mettent des taches de chaleur sur la foule durcie et crêpée. Les gestes suscités par cette musique régulière restent écrits dans une pose de politesse. Les échecs ont occupé aussi mon temps par des contorsions d’esprit qui prouvent que les pensées les plus profondes fourmillent dans l’inu tilité de leur vertu. Les pions se mettent en mouvement, mais ils sont reliés par les fils des regards. La reine est active, il faut savoir employer son efficacité dès le commencement du jeu. Mais elle s’use vite comme toutes les tyrannies. Celle de l’amour en est la première preuve. Les par- .