POÉSIES 49 secrets de leur métier. Ils écoutent la leçon du maître et nul ne pour rait dire si les auditeurs turbulents n'en tirent pas un meilleur profit que les élèves dociles. Les hommes du nord sont têtus, orgueilleux, farouches. Signalez-leur dans une œuvre d'eux le passage qui vous sem ble faible, ils sont tout prêts à vous répondre : C'est celui que j'aime le mieux. Excellente disposition d’esprit, car ils suivront d'ailleurs, sans se l'avouer, le conseil qu'ils reconnaissent bon. On voit de quelle manière l’influence de Jules Romains — j’en parle ici car elle est parti culièrement sensible dans Jazz-Band — peut s'exercer utilement sur tels successeurs de Verhaeren, trop naturellement disposés à prendre au poète flamand tout ce qui, sans préjudice de son originalité vraie, lui fit une originalité de surface, voyante et transitoire. Le « tempérament » est ce qui manque le moins aux Belges. S'il était possible, ils en auraient trop. — Qu’on me permette de jeter en passant un coup d’œil sur la jeune peinture du nord: elle obéit au rythme général dont la France est le métronome. Mais si préoccupés qu’ils soient d’équilibre formel et d'architecture sensible, les Belges ne peuvent oublier qu'ils sont coloristes. Ils restent « beaux peintres » avec ce que l'expression sous-entend de laisser-aller, d'empirisme. Qui aurait le courage de leur en faire un reproche ? — Nos poètes ont une éloquence terrible ; ils ignorent un peu la manière de s'en servir. Qui n’a pas aujourd'hui le don des images ? C'est ce qui remplace le « joli talent », la « fine sensibilité ». Mais donnez-leur les cinquante-deux cartes, ils vous les étalent sur la table au hasard. Or le jeu consiste à faire la réussite en découvrant les as. René Purnal a du moins sorti l’as de cœur. Revenons à l'enseignement de Jules Romains. Les puissances diffusées par Verhaeren, il les condense. Il nous apprend l'économie poétique. Plus de coups de poings dans le vide, un bon exercice de « punching bail », un entraînement sévère, méthodique. Le tout est de pouvoir ensuite boxer avec le sujet. Et malheureusement la plupart des bons élèves imitent parfaitement les attitudes, les swings du professeur, mais ils ne s’attaquent qu'à des sujets complaisants, à des compères. Reconnaissez leur maladresse dès que la « combine » prend fin. Pour m'exprimer brutalement, je dirai qu'ils font du Jules Romains (je sais ce que c'est, j’ai fait comme eux) incapables de saisir sous les apparences