LE ROMAN 53 LE ROMAN LE DIABLE AU CORPS, par RaymondRadiguet, (B. Grasset, éditeur). On n’écrit pas un roman à dix-sept ans ! Il y faut une expérience qui ne s'acquiert qu'après de longues années. A cette observation du sens commun Radiguet a répondu, avec le flegme qui le caractérise : « J’ai vécu : ce passé défini n’implique-t-il point logiquement la mort? Pour moi, je crois qu'à tout âge, et dès le plus tendre, on a à la fois vécu, et l’on commence de vivre. » Radiguet nous fut annoncé à grand fracas. Bien que je le connusse personnellement auparavant, tout ce bruit n’avait pas été sans m'incom moder. Il me paraissait un défi inutile, une surenchère à la gageure. Au fond je pensais, comme tout le monde : « On n'écrit pas un roman à dix-sept ans. » C’est dans ces dispositions d’esprit que j’ai abordé Le Diable au corps. Je sais maintenant, comme le public le reconnaîtra, qu'il n’y a pas d’âge pour écrire un roman. Le Diable au corps en est un admirable. Il n’eût été qu'une confession si l'auteur ne nous eût offert que le récit sincère et scrupuleux de son enfance. Il commence à s’agir de roman s'il cherche et parvient à s’objectiver lui-même, à se situer au milieu de ses personnages, à composer et à animer cet ensemble, à dresser des caractères. La confession, c’est le cœur mis à nu par la seule puissance du sou venir. Le roman, l'expérience conçue, utilisée en vue d'un but : recréer la vie, fixer des types d'individus. Pris sur le vif, dans toute sa singu larité, le héros de Radiguet est néanmoins une création romanesque dans laquelle se réalise un modèle humain. Le personnage principal du Diable au corps, c'est Radiguet, mais c'est