- . 1 58 LE ROMAN MALICE (Crès, éd.), par Pierre Æac Orlan. Pierre Mac Orlan vient d’écrire Æalice. C’est, comme on le pense, une confession. C’est aussi un art poétique. Vous prenez quatre ou cinq silhouettes pittoresques, aux gestes d’automates ; vous y joignez du mystère et de l’inquiétude ; sous le rideau dépasse savamment la griffe du diable ; une odeur de chair un peu malpropre se répand ; vous soulignez le tout d’un air d’accordéon. Il ne manque plus que le génie de Mac Orlan. Le génie de Mac Orlan s’appelle Æalice, comme ses yeux vifs et son visage de bouledogue farceur. C’est un curieux pantin qu’il traîna jadis dans les bars de Montmartre ou sur les côtes de Bretagne (il y apprit la mélancolie et les chansons d'Aristide Bruant). Le pantin le suivit aux tranchées ; dans le dessin de Gus Bofa, à la première page du Chef de iEquipage, c’est lui qu'on voit sous la forme d'un petit chien tenu en laisse par le sergent Mac Orlan ; là, le pantin acquit l’appétit de la vie et celui de devenir un grand homme. Délivré, il flaira le vent, assimila toutes les inquiétudes, les tendances, les sueurs d’une époque en mal de gestation. C'est aujourd’hui un énorme personnage ; assis sur un guéridon, il croise les jambes derrière le dos de Mac Orlan. La dernière fois que je le vis, il semblait un peu malade : il y eut tant d’éléments troubles dans sa nourriture. Mac Orlan dresse la tête : " l’Europe, le bouleversement, l’inquié tude sociale, M. Drieu la Rochelle est un grand écrivain, je suis un homme d'aujourd'hui...”. Le soir vient, l'équivoque lueur de l'Europe et du modernisme s’éteint aux fenêtres de Passy ; Mac Orlan ouvre Casanova ou des livres d’estampes japonaises. Après le dîner l'écrivain s'accoude devant sa tasse de tilleul : nuits de Montmartre où je déam bulais avec Apollinaire, Salmon et Pellerin. Ils sont morts. Chers camarades de génération : Carco cherche de l’or à la Renaissance ;