62 LA DANSE est à mon sens, un éloge. Bien que minutieusement réglée, elle nous donne l’illusion du désordre, d'un beau désordre élastique et capricieux (au rebours de la danse libre d’Isadora Duncan qui donne l’impression d'une leçon apprise). Pourquoi ce geste, ce pas, plutôt qu’un autre ? Je ne sais pas; elle, sans doute, non plus. Marion Forde ne vient de nulle part et ne démontre rien. Il faudrait insister ici sur cette grâce de l'indtincl qui est le privilège de la femme américaine. Lorsque Marion Forde gambade, fait le grand écart, se coiffe d'un haut de forme, nous pensons à Carol Dempster, l’interprète de Griffith et, de là, à ce don miraculeux de recréer la vie qui s’épanouit sous les roses électriques de Los Angeles. Le plus fichu visage d'Américaine vit, s'émeut, s'illumine devant un objectif ; la meilleure artiste française s'exhibe, se crispe, s’exténue toujours. (Faites interpréter la danse de Marion Forde par une Française possédant les mêmes moyens physiques et chorégraphiques, elle y sera ridicule). Nous sommes une race trop réfléchie, trop éduquée, dont la vitesse de réactions se ralentit sans cesse. Toujours le beau peigne de nos traditions nous tire les cheveux plus loin en arrière. Encore un peu, et nous serons tout à fait chauves. Marcel R AVAL