MAURICE RAYNAL 65 sources nécessaires pour en construire un troisième. Mieux encore la catacbréde autorise des audaces plus libres encore; c’est ferrer d’argent une monture, ou se tenir à cheval sur un âne, procédé identique à celui qui fait dire au poète vêtu de probité candide et de Lin blanc. Comme on le voit, le principe est toujours identique, seule l’imagination varie lyrique ment des trouvailles plus ou moins heureuses. Or, pareillement, lorsque Juan Gris dans le domaine plastique estime, sur l’injonction de son imagination que plusieurs groupes d’éléments parallèles sont nécessaires à l’harmonie générale de son tableau, il n’hésite pas, à répéter la même idée plastique en termes différents : et si conformément aux moyens de la rhétorique, l’aile de l’oiseau devient celle du moulin, les lignes de la portée seront les cordes de la guitare. Enfin reconnaissons qu’il ne s’agit pas ici de la phraséologie du gongorisme. Noble tendance à la description linéaire, mais bien cons truction plastique, et le sens poétique de Juan Gris est beaucoup plus humain que celui de Yedtilo culto parce que parti de données plus pro fondément sensibles. Ce n’est, en effet, qu'après avoir imaginé sa métaphore que Juan Gris lui fait subir les préparations, mécaniques si l’on veut, que le technicien plastique le plus sûr de l'heure actuelle qu’il est incontestablement étudie, agence, coordonne et exploite. Par consé quent ni orismologie, ni terminologie, encore moins stylisation. Attaché de par son instinct au renouvellement constant des données de son imagination il se garde bien de prendre certains de leurs résultats pour bases d’œuvres nouvelles. La forme donnée par lui à telle métaphore, à tels rapports de volumes rapprochés ou éloignés n'est jamais conférée aux éléments du tableau à priori mais bien à la suite des développe ments nécessités par la composition de l’œuvre. Et si j'ai rappelé les relations qui unissent la conception des métaphores plastiques et poé tiques chez Juan Gris ce n’est pas seulement pour signaler une curieuse coïncidence entre les procédés communs aux deux moyens d’expres sion, mais aussi pour souligner que l'œuvre de l’artiste vue sous cet aspect particulier est étrangère à tout esprit de singularité, d’affec tation, de préciosité ou d'inconsidération et que l'ange du bizarre n'est pas son gardien. Maurice RAYNAL.