PIERRE REVERDY 357 feu des lampes, qui pourtant ne sont,pas sous l’empire du vent? Bientôt ce ne sont plus que les yeux humides qui éclairent. Il y a dans plusieurs coins des brouillards de haute mer dissipés par des soleils vivaces. Et des cris emmêlés qui tissent des filets transparents dans les airs. Enfin, l’espace se trouve assez garni de boules mouvantes, de fu mées noires, de belles formes à travers quoi se glissent péniblement, mais avec d’autant plus de plaisir, les regards inquiets des spectateurs. Les mouvements du premier combat ont rompu la mince couche de glace qui tenait les cœurs raides et immobiles, et chacun éponge sur sa peau quelques précieuses gouttes de sueur. Les athlètes s’étendent sur la perspective béante du cirque et parais sent, ^observés attentivement d’un certain angle, moins lourds que l’air. Le nègre secoue la laine grise et rasedeji’été dernier, la neige noire. On passerait trop de temps à compter les rides de la peau rose, un peu plissée aux yeux, ( de l’autre boxeur. En sachant toutefois que c’est là un exercice qui repose. Sans arrêt, les angles de l’arène carrée se déplacent, les masses s’allongent et reviennent, tanguent, les membres déliés s’abattent, se dérobent, frémissent — la main fermée pénètre un moment dans la chair qui reprend sa place presque immédiatement. C’est cet équilibre équivoque qui émeut la grappe humaine. C’est cette immense cohésion du boulevard, risqué dans le halo fuyant des réverbères — les saints de l’avenue et de la place — qui donne le titre à ce monde tournant — le sens inverse et le jufcte milieu. Et .puis dans ce décor drapé, que seul le silence soutient, un homme compte ; son bras immense battant l’air. Il y a un claquement de cœur au mur si c’est une pendule. A table,si c’est une tête perdue et un homme à la mer. On ne peut pas détacher le rire navrant collé aux traits de ce visage qui devient enfantin par moments.