MARCEL RA VAL 367 rompt peut-être une agrafe, jusqu’à la dernière qui la fera s’envoler nue. (Aérogyne, vous quittez votre robe sans que l’amoureux s’en doute.) Et j’oublie les beaux ravages électriques du vent dans ma tête. Du calme, rien n’est perdu. Je vois Agnès, je la touche. Elle est assise. Elle est debout. Elle dort ou elle chante. Elle confie une bêtise au miroir, tâte ses seins qu’une coccinelle explore avec gentillesse. « Ça leur portera bonheur », dit-elle. Je m’abuse, ce n’est pas cela. Elle est triste, elle peigne ses cheveux, les enroule autour de sa tête comme des méridiens, ces méridiens qui font le tour du monde, sans se lasser des déserts vides, des mers déraisonnables, des routes que la gomme des pneus efface peut-être. Si je me retournais? Mais les lumières qui prennent font tomber la nuit comme un disque. Voici Gallarate. Ici la fête est plus dense, ou c’est ma tête qui tourne mieux. Les visages ont usé leurs premiers masques en des sourires préliminaires, de grosses grimaces. Les yeux huilés, les bouches ouvertes s’imbibent d’acétylène, de sucres d’orge, de facéties. Sur la Grande Place, des farandoles me barrent la route, feignent de s’écarter, puis se reforment. Petite minute ambiguë où la bonne grâce l’emporte. Car qui m’oblige à poursuivre? La nuit se lasse d’être creusée par ma course. En voilà assez des caprices de la route èt du vent. Au contact du sol, mes jambes s’allègent et me retrouvent. 0 — Vous avez la fièvre, les yeux rouges et une petite hélice qui tourne encore dans votre tête. Je me trompe? Mais qui vous amène à cette heure? — Le charme de certains lieux ne tient qu’aux jeux du hasard. Mon déplaisir d’être ici, se rachète déjà par une recherche de contra diction avec moi-même. Sous peu, ce spectacle me ravira. Je ne plai sante pas. Regardez ces femmes qui dansent entre elles! Sont-elles jolies!