370 PEE VAEESE pects, présage des explications à venir. La voix maintenant se fait insinuante, risiblement douce. Le ton d’aveux sur lequel elle s’engage m’indique qu’un consentement du geste ou du regard s’impose. Nous triomphons tous deux : j’ai gagné du temps et les visées d’Ezza semblent atteintes. La confusion est à son comble. Nous sommes des aveugles qui jouons aux cartes. Qu’ai-je dit? Que dit-elle? Le sens de ses paroles est une belle fumée que je caresse sans jamais la saisir. Chacun de ses mots, que sais-je? est un piège ou une chaîne, une bulle d’air ou une étoile. Les conjectures glissent sur eux comme des anneaux sans pouvoir. Sur un banc de square, une idylle s’ébauche. Chariot passe, s’assied, courtise la dame, assomme le monsieur, emmène la dame. Galamment, il lui dérobe un peigne des cheveux, « la merveille que vous avez là! », le tripote et finalement l’effeuille, en badinant, comme une marguerite. (( Quel dandy, quel poète ! » pense la dame. Revenu à lui, l’amoureux berné — un hidalgo de basse pègre — rejoint le couple, le menace d’un immense poignard catalan. Très magnanime, Chariot salue, considère son adversaire de pied ferme, va pour le provoquer comme il sied à un gentilhomme, puis, soudain, se ravise et détale comme un zèbre. Ezza, alors, d’un geste, nous met en parallèle, avec les personnages de cet épisode. Je hausse les épaules. Ezza est absurde. Ezza est un oiseau. Sa puérilité découvre des mondes vains comme des billes. La candeur n’est, en somme, qu’une faute de goût un peu plus excusable. Mais mon impertinence, sa petite vanité s’en trouve atteinte. Une dé tente invisible lui colore de feu les joues. Elle m’interpelle à voix si haute que nos voisins se retournent, sourient, s’interrogent, sourient, leurs sourires circulent, s’échangent, se relient sur un fil de raillerie curieuse et amusée. Me voici dans une impasse. Mes pions se laissent souffler sans défense. Que faire? Je prends cet œil fixe et distrait qui n’entend rien. Sa voix insiste, s’élève à des inflexions aiguës dont on ne sait si elles sont perchées sur le rire ou sur la colère. Mais c’est bien la colère,