MARCEL RAVAL 873 _ A cette heure — les nerfs tendus — aucune explication n’a plus cours. Il faut fuir, mentir, fuir. J’enjoins Ezza de m’attendre une minute : le temps de reprendre ma voiture et nous partons. Et je fuis. Une fuite belle comme une pièce de soie qu’on déchire. La lâcheté a des douceurs de fourrure. Lâcheté, courage. Rien n’est si près de pile que face. a C’est ainsi que je caresse la route, seul, avec, dans ma tête, la ber ceuse héroïque que font 40 HP en marche, une panique d’images et, se faufilant à travers elles et s’élargissant sans cesse : Agnès. Cette confrontation éveille en moi un remords souriant. « Agnès, l’oubli vous a dérobée à ma pensée! » (Comme si l’oubli n’était pas une des faces de moi-même!) Où est Agnès? Que fait-elle? Seule dans une grande ville, une femme se lasse vite des plaisirs de l’armoire à glace et des flâneries. Alors? Le poids de l’infidélité, automatiquement je m’en délivre par des soupçons — gratuits d’abord, puis convaincus — sur la loyauté de celle que j’ai trompée. Si j’ai pensé n’avoir plus pensé à elle, j’y vois le pré sage de sa défaillance. Ici, c’est Tradate. La fête chavire et s’étire. Les lumières ont cessé d’attirer les visages. Ceux-ci les évitent, gagnent l’ombre. Tout à coup, des cris s’élèvent, s’enflent. Puis, le silence d’une chute, d’un effroi. Je stoppe, j’approche. Une jeune fille gît à terre, belle comme seules le sont les victimes. Sa plaie découvre une bête. Le démon des analogies me tourne alors la tête. Je crois reconnaître Ezza. Elle-même. Sa peau tannée, son sourire minuscule. C’est à devenir fou. Du paysage iné puisable des bancs d’ombres, fusillées à terre, soudain se lèvent... Agnès à fait une rencontre. Il a les yeux bleus. La scène se passe au café, je parie. Elle lit le billet griffonné que le maître d’hôtel a glissé sous la soucoupe. Pourquoi pas?... Hop là! un peu plus et je culbutais ce char majestueux, prêt pour l’allégorie. Mais ce chemin mm