ANDRÉ LHOTE 391 l'esprit d’un peintre d’avant le romantisme n’eût certes jamais éprouvé, les dessins des fous et des enfants. C’est en contemplant ces images naïves et souvent émouvantes que nous pouvons apprécier la distance qui nous sépare des temps lointains où l’artiste ne se consacrait à la représentation des choses exté rieures que mû par le désir de raconter une belle histoire. C est cet état d’esprit que reflètent les œuvres des simples, qui ignorent les tristesses et les joies de « l’art pour l’art ». Devant les réussites de ces artistes ingénus et nos tâtonnements, certains parlent de notre déchéance morale, leur curiosité commence aux Primitifs et s'arrête à la Renaissance ; d’autres, fiers de leurs conquêtes à rebours, qui réduisirent de plus en plus l’objet à peindre au bénéfice de La façon de peindre, parlent de bienheureuse libération... On ne m’a pas chargé aujourd’hui de trancher le différend. a C’est probablement à la faculté d’étonnement que sont dues les réussites plastiques de certains enfants. Pour l'enfant, tout spectacle est nouveau ; à chaque pas, il redécouvre le monde et lui trouve un visage simple et frappant. Une fusée c’est toutes les étoiles du ciel qui tombent, un coquillage renferme vraiment toute la mer. Il est victime de toutes les analogies; il tombe dans tous les pièges que nous tendent les choses dès qu'elles se font les plus légères allusions. IL vit réellement les métaphores naturelles, au lieu d’en inventer comme nous par jeu. Il est constamment abusé par les apparences, et l’émerveillement ou la