CHRONIQUE D’ART 392 terreur sont la rançon ou la récompense de sa cré dulité admirable. Sa merveilleuse petite âme, toujours éveillée, se nourrit des plus brillants mirages; son imagination ardente peuple la terre des présences les plus fabuleuses. Le moindre de ses gestes porte des fruits d’or, ou dessine les limites d’un univers immense, où toutes les forces qui conspirent contre la sûreté de chaque être sont accumulées en masses visibles. Il est le centre de la curiosité et de l’admiration unanimes s’il accomplit quelque dérisoire prouesse, dont on le félicite ; d’autres fois, au sein d'une assemblée nombreuse, il sent avec une affreuse acuité, le poids de l’isolement le plus complet et l’amertume de l’injustice. Sur une plage j’ai vu courir un bambin, tenant une ficelle au bout de laquelle il avait attaché un morceau de papier, cerf-volant imaginaire, qui traînait sur le sable. Je l’entendis qui poussait pour lui seul ce cri de désespoir: « Je vais comme le vent et personne ne me regarde! » Pour l'enfant une image est une réalité. Ayant vu une magnifique gravure de première communion représentant une cathédrale dorée, je m’imaginais, lorsque je pénétrais pour la première fois dans une église, que j’entrais réellement dans cette image. JMon amour pour les boules de verre Louis-Philippe vient de ce que je désirai longtemps me promener à l’intérieur de l’une d’elles, que j’allais admirer chez une voisine, et qui renfermait toute les merveilles du jardin d’Aladin. Il n’est pas d’abstraction qui, pour l'enfant, ne puisse prendre une forme concrète. Certains mots ont un poids et un visage. Il y en a d’énormes, gonflés de