MARCEL RA VAL
375
Le ciel a craqué de toutes parts : la pluie ruisselle. Le vent secoue
la pluie, la plie jusqu’à la rendre horizontale. Les routes, lassées par
leur sort immuable, profitent du désarroi et de la nuit pour changer de
parcours. Les routes bougent, s’élancent, rectifient leurs courbes, re
dressent leurs pentes. A ces jeux, la rose des vents s’effeuille. Les
visages d’Agnès et d’Ezza se mêlent, se recouvrent. A chaque carre
four un espoir s’éveille, puis se dément. Les noms des villes proches
maintenant sont identiques, les distances abolies.
Les yeux me pèsent... mes mains... cristaux de la fatigue. Si je
comptais les arbres? Un, deux, trois, quatre... Si leur nombre est pair...
cinq, six, sept... Ezza est morte... huit, neuf... S’il est impair... dix,
onze...
Le sommeil a laissé choir son petit échafaud.
1922.
Marcel RAVAL.