TRISTAN TZARA 145 bhmmhhhnbhhp der pourquoi. Je crois que c’était par contradiction — j’écrivais des poèmes <( contre » ma famille, en cachette — et pour niveler un état disproportionné de mon esprit. La préoccupation que me donnait la transcription d’un malaise cérébral me distrayait assez pour en excuser les causes. Le résultat n’intéressait que moi, et à force d’habitude, cette thérapeutique de délivrance mentale me devint indispensable et se trans forma ensuite, par le plaisir que j’y prenais, en une espèce de vice latent. Il absorbait entièrement mes sensations, mais tranquillisait les ébats de mon mauvais caractère. Quoique je n’en tirasse aucun profit pour ma vanité, en détruisant presque toutes les émanations arbitraires de ma fantai sie, je négligeai mes études et, ce qui est plus grave, les sports, les jeux et les rapports avec mes camarades. Ce sont ces premiers frottements qui don nent les facilités de réagir spontanément devant des actes, nettement, avec la vivacité correspondante. Les réactions chez moi restent purement mentales, et ma timidité naturelle rend mes gestes encore plus myopes qu’ils ne le sont en réalité. Cette timidité, établissement de Dieu dans l’enfance que nous portons d’âge en âge en nous, traînant jusqu’à l’en gourdissement sur l’escalier à vis, tamisant sans arrêter une sensibilité affaiblie, a produit par opposition l’orgueil, un mal particulier qui aime l’isolement de ses secrets. Le corps dépeuplé de questions file sa que nouille d’égoïsme sans fondement. Combien de fois ne me suis-je pas accusé d’être un marchand de paroles qui échangeait les idées et les éléments de vie en images et en phrases cristallisées, et réciproquement. Mais je puis dire aujourd’hui qu’à chaque ligne que j’ai écrite, je réduisais à sa souveraine nécessité le pro blème de son pourquoi, et qu’en continuant de le faire sans avoir trouvé la raison suffisante et la source, je m’enfonçais de plus en plus dans le sac des tourments sombres et compliqués. Ce fut la première phase de mon inquiétude. Elle me révéla mon amour pour la poésie, que je place au-dessus des faits matériels de la vie qui, au cours de leurs déraisonnables développements, s’ornaient de ce sourire que je croyais être le plaisir.