TRISTAN TZARA 147 leur donner la place d’honneur dans ma destinée, les abriter des maléfices et des révoltes de la chair. Mais les procédés me répugnent et je me laisse des marges suffisantes pour changer d’avis à propos de n’importe quel événement dont la fin me paraît pratique et profitable à ma personne. En somme, je suis un opportuniste austère, cherchant des excuses aux inlassables conversations entre son sang et son cerveau. Ce n’est pas la beauté qui m’attire, mais l’inutilité de mes réflexions. Que ceux qui les lisent atténuent leur ton trop positif et m’accordent le crédit d’une relativité sur laquelle j’ai basé toutes mes chances, mes possibilités et mes ressources. Si je n’avais pas voulu leur éviter la fatigue de la lecture et diminuer mon plaisir d’écrire, je n’aurai jamais fini une phrase sans faire part de mon doute et sans l’envelopper de précautions par de vagues et illusoires « je crois » qui n’engageraient à rien mes obligations morales (sur l’infini desquelles j’ai déjà tiré d’innombrables traites). a Germaine-Louise Cottard condamnée à quinze ans de prison avec la complicité de mon désintéressement honteux, quoique imprégné parfois de regrets, j’ai écrit, au fur et à mesure que les paroles s’assemblaient autour d’un noyau de cellules, sa triste histoire si étroitement liée à mon aventure. Elle a chassé l’atmosphère obscure rassemblée autour — bour donnante invasion d’insectes vindicatifs — qui me procurait tant d’angoisses et d’injustifiables dédains. Mais pourquoi le remords ne m’a-t-il jamais tourmenté? De quel invi sible appareil sortait comme les vapeurs du temps après la fermeture de l’usine, la distance que je mettais toujours entre nous? Pourquoi ce manque de sacrifice et ce qu’on appelle cynisme, mais qui n’est que mensonge, lâcheté et peur de passer pour un héros, ne m’ont-ils jamais inquiété? Pourquoi une sécheresse tenace avait-elle assiégé ma volonté au point de réveiller en moi une initiative adverse, un autre visage d’ar