i^"-'■■■■ . . >4* me*' 1 i t&Ai V- J&&& - - JL — 150 FAITES VOS JEUX Malgré mon insolence en matière de discussion, je n’ose pas me pro noncer. Aussitôt que des personnes se réunissent par des affinités d’amitié ou de classe, il se forme entre elles une convention tacite, le dialecte qu’elles parlent. C’est la mine de leur commodité, le parfum de leurs migraines, le petit air péjoratif du paysage. Des gens en dehors de ces milieux ne comprendraient pas le sens de certains mots ou de tournures de phrases. Et ce qui est vrai pour un groupe, l’est aussi pour chaque individu, car nous vivons en famille avec les nombreux moi-même entassés comme les coquillages sur le fond. Les mots que nous croyons précis et répondant à des réalités établies, n’éveillent aucun stimulant dans le cerveau récepteur. Le malentendu est tout-puissant comme le vacarme des vents blafards sur les cimes. On peut l’éviter en amour par des regards luisants, une mise au point des jugements, et dans la vie, faute de gestes solides, par le silence indulgent ou la bavardise poétique, fastidieuse et exaltée. Ces quelques découvertes extraites du marasme de ma vie me servent à connaître l’étendue de mes possibilités. Elles n’ont pas la prétention de régénérer et de régler les élans de tout le monde. Mal établie dans des gaines étroites et provisoires, ma destinée ne pourrait pas servir d’exemple à ceux qui attendent encore confusément l’éclosion d’un bonheur aromatique, définitif. J’ai assez joué aux échecs avec des coeurs pour savoir qu’il y aura toujours un adversaire qui me battra. Ma tristesse alors est grande mais sobre. Je me rends facilement au premier lien de volupté survenu, et me laisse entraîner par le courant sorcier dans des landes de tendresse aux arbres osseux et parfumés. La faim de mes nerfs me suit dans ces indéfinis et multiples déména gements.