TRISTAN TZARA 151 LE SOURIRE SEXUEL VIII. — Les débuts amoureux d'un garçon timide. Bien que je joue ma vie sur le tourbillon de chaque présent, et que les conséquences éventuelles n’aient jamais trompé les directives de'mon attention, l’âcre violence du souvenir me monte parfois au bout des lèvres avec des gémissements difformes — une île sournoise flottant sur le courant tiède et cordial. A quel moment commence ma jeunesse? L’œil du cœur bat des paupières désolées, et n’arrive pas à situer sur l’escalier roulant de la mémoire déformante le plan d’intersection où les premiers enregistrements acides, organisés en armature de la raison, m’ar rachèrent à l’incohérence de mon existence primaire et marécageuse — un récipient de Tantale qui se bouche et se peuple d’utiles humilités et de flamboyantes prétentions. Les conduites de feu du tempérament, croisées au-dessus de l’enfant en attitudes guerrières, chassèrent ces formations vaporeuses de l’esprit, dont le vin embrouillait le retentissement des pas lourds sur les dalles du front. La conscience commence aussi vers cette époque à fonctionner, remuée par le sang salubre d’où ruisselle la saveur du temps, pierre sur pierre d’événements sourds entassées, elle dissèque, trie et gradue le doux aliment sensoriel. A quel moment commence ma jeunesse? Je ne le sus jamais, quoique j’eusse des données exactes sur le sentiment que ce changement d’âges mineurs détermina en moi, et que je fusse si acces sible à son style coulant et délicieux. Des lueurs myopes seulement, par