-4 ià&ÜW UMft» . H, 152 FAITES VOS JEUX L instants, se creusent dans le passé déjà lointain, avec des mélodies rudi mentaires de vers et de reptiles insignifiants, embrouillées, elles continuent à nager dans le sommeil des veines. Elevé avec tout l’apanage de ménagements dû au premier né, les moindres contrariétés enfonçaient des épingles précoces en moi. Je m’ima ginais candidement que cela faisait mal. Je n’avais qu’une sœur, et la lime stridente de ma jalousie rongeait l’enfance de mon cœur absurde et turbulent. Faute de mieux, elle le façonnait à sa manière simplifiée, l’arrondissant pour pouvoir glisser dans ce régime du roulement à billes qui adapte les dents de la vie à nos propres calamités. J’ai devant le cadran de mes yeux la scène où ayant perdu ma balle, je crevai froide ment celle de ma sœur. Jamais proie ne fut chargée de tant de lourde désolation : réduit à l’impuissance par les remontrances que m’attira cette subite méchanceté, aggravée du fait que je la croyais légitime, j’allai dans une remise comblée de distractions et de débris, et gravai avec un clou sur une caisse la date et l’objet de mon désagrément. J’ai suivi pendant quelque temps cette secrète habitude, poussé par le désir de ne rien oublier de mes tourments. Comment aurai-je pu savoir que ces légers chatouillements du sort ne valaient pas la peine d’une aussi grande dépense de ferveur? Mais je croyais que le mal, du fait qu’on le sentait, supposait de l’intelligence, tandis que le rire tenait de la bêtise. Ce préjugé décida du snobisme de ma mélancolie. Mes parents habitaient une assez vaste maison bâtie à la tête d’une cour qui donnait dans un énorme jardin. Abrité par un précipice aux gestes barbares de sentiers nus, le petit ruisseau trompa souvent mon attente avec la fraîcheur du soleil et des cascades artificielles que je bâtissais. Mon élan amoureux suivait à distance des liaisons imaginaires avec des amies dont la nudité des genoux ou l’attitude coquette me faisait pressentir d’obscures servilités. Les jalousies et les préférences sautillaient avec l’essaim des mouches actives et nerveuses jusqu’à leur dissolution dans l’air.