180 DÉTOURS joie pour l’amour, comme au temps du pain quotidien pour les opérettes du Jeudi. Départ; mais après une nuit de fête, avec le mépris des rues, où le bonheur tremble en lettres de lumière, c’est la fuite vers le square; des fusains empêchent toujours l’hiver de partir, et parmi la tristesse des promeneurs, la chair n’a d’autre volupté que celle de ne plus savoir si elle a froid du brouillard ou chaud d’un col de loutre; les autres valent ces poupées que les marins pétrissent quand les hamacs sont par trop solitaires. 0 Secours de la fable antique; aux devantures, les miroirs deviennent d’attendrissants ruisseaux; mais de l’autobus les gestes sont des fleurs sur une tombe, ma tombe; et je n’ai à ma disposition que deux fois cinq pétales ; les murs derrière mes talons se ferment en sépulcre ; je ne sais plus que l’effroi de Narcisse, son effroi lorsque sa bouche, proche de l’autre bouche jusqu’à s’y confondre, perçoit l’ironie d’une fuite au milieu des rires. Si la réalité ne paraît plus irréfutable, il faut multiplier les hypothèses. Ne croit-on point, à la faveur du maquillage et des transformations, que Frégoli n’est pas un homme, mais dix, vingt hommes venus chacun son heure, d’un monde étrange, très loin derrière les coulisses. Or certain orgueil accuse de futilité ces détours. Je voudrais déchirer les costumes faussement précis, de la même inutilité que les maillots de coton rose aux jambes des danseuses sur les tréteaux des foires. 0 Avant de regagner leur pays, les Américaines boivent pour toute leur existence; à cinq heures du matin on espère la révélation des secrets essentiels. L’une vise des buts précaires avec des allumettes enflammées; l’autre danse nue, vide tous les verres, gifle, trépigne, jure.