MARCEL RAYAL 193 feuilles libres POÉSIE PLAIN-CHANT, par Jean Cocteau (Delamain et Boutelleau, édit.) La grâce d’une courbe, c'est à quoi le vrai poète atteint sans y songer, tout en caressant les rythmes et les images avec des capri ces divers où nous croyons souvent qu’ils disparaissent, mais où la fin du jeu nous les fait retrouver toujours. Regardez, et dites si la courbe poétique de Jean Cocteau n’a pas la pureté d’une ellipse? Le bel obus qu’il prépara longtemps et qui éclata avec le Cap de Bonne Espérance retombe, après un vertigineux parcours, sur le sol, et c’est un fruit délectable, acide au goût, avec un vert feuillage autour : Plain-Chant. L’inquiétude, fil d'Ariane. Quel poète plus que Jean Cocteau en subit les ruses et les détours par lesquels elle fait mûrir la contra diction nécessaire à toute œuvre? Pour se découvrir, il faut se faire violence, se déplaire à soi-même. Ce sont nos yeux qui ont tort quand, dans l'obscurité subite, nous ne reconnaissons pas un visage, une table. La nuit dans laquelle on conçoit le poème n’abandonne que lentement son épaisseur. Vaincre l’impatience de l'œil, les poètes s’y résignent mal. Avec Plain-Chant, il semble que Jean Cocteau donne au procès de la forme, qui tourmente encore certains esprits, une conclusion, en apparence simple comme bonjour, mais qui pourtant détruit le pré jugé absurde grâce auquel le choix de telle forme déterminait automa tiquement la tendance d'un poète et le * ‘situait" à coup sûr. Il mêle